Ado aux origines lointaines, chétif aux grosses lunettes, incapable de se battre, nul en sport, non fumeur et non cyclomotorisé en terre sudiste, j’ai connu les brimades, bizutages, vexations de rigueur...
Je ne sais pas d’où ça vient. Mon analyste saurait sans doute l’expliquer. Il y a toujours une raison pour dicter nos comportements en société.
Depuis tout petit, je veux toujours me mettre à la place du plus opprimé, de celui qui souffre, du moins aimé, de ceux qui s’en prennent plein la gueule. Mais qu’est-ce qui peut bien animer cette empathie, ce sentiment de solidarité, de connivence avec qui peut ressentir le rejet ?
Sans doute le fait d’expérimenter moi-même depuis tout petit l’exclusion. Etranger en son pays. Un blond aux yeux bleus au pays des bruns aux yeux marrons. On m’appelait « le Russe ». Dissemblable camarade aux pensées alternatives. Ado aux origines lointaines, chétif aux grosses lunettes, incapable de se battre, nul en sport, non fumeur et non cyclomotorisé en terre sudiste, j’ai connu les brimades, bizutages, vexations de rigueur dans ces contrées sinistres. Mais je ne tiens pas pour autant à faire pleurer dans les chaumières : Etre rejeté par des personnes qu’on méprise nous assure toujours d’être du bon côté.
Aujourd’hui je ne peux me résoudre à être du côté des plus nombreux, en tout cas, de ceux qui gueulent le plus fort. Et c’est bien le problème sur les réseaux sociaux. La pensée unique se fait une place de plus en plus prépondérante au fil des publications qui nous sont proposées. Gare à celui qui s’en écarte, qui tente de séparer le bon grain de l’ivraie, qui met les choses en perspectives. On le pourrit massivement sans appel. Et sans réfléchir.
Car c’est ainsi sur TikTok, sur Instagram, et bien ailleurs. On ne récompense que les suiveurs. C’est clairement détaillé partout : faites les mêmes gestes, utilisez les mêmes filtres, photographiez les mêmes endroits, bref : soyez comme tout le monde et ne sortez pas du rang sinon on vous exclue.
Mouton. Incapable de distance avec l’animal qui le précède. L’un bêle. Vous bêlerez pareillement. Il s’arrête, on s’arrête. Au loin, hors du troupeau, une bête délaisse l’herbe jugée trop fade. Quel sacrilège ! Le mouton file droit, persuadé d’être un rebelle, le premier de l’histoire même. Ah, l’Histoire…sa mémoire trop courte ne lui permet pas de s’en inspirer. Il vit l’instant présent. Impétueusement. Sans se remettre en question, car un troupeau ne le peut. On avance trop vite. Tout va trop vite. Alors à quoi bon ?
photo de moi ;)Aussi, l’opprimé qui est-il ? Qui sont-ils ? Nous le sommes tous. La société nous écrase et n’épargne aucun. Chacun s’efforcera toujours de nommer des responsables, ça défoule surement, ça permet de se rassurer.
Mais je vous l’assure, en tant que spécialiste du sentiment victimaire, il n’y a rien de plus fort que de s’en défaire, et d’avancer.